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dimanche 16 octobre 2011

Piment des îles n'efface pas les douleurs.

Alors que je me promenais sur la plage, j'ai pensé à l'étrange histoire du Piment des îles qui décrit les détails impressionnants la vie, et la fin, misérable d'un soldat perdu dans la mer des Caraïbes. Celui-ci, semble-t-il, était éperdument amoureux d'une Lady tout ce qu'il y a de comme il faut, mais celle-là ne pouvait pas aimer son soldat parce que sa famille l'avait déjà promise à un autre. Il prit donc la mer, faute de prendre sa dame, et s'en fut de par les eaux disperser ses larmes dans d'autres bras. Il aboutit ici, sur l'île aux pirates et fit contre triste coeur grande fortune.


 Il vécu ici pendant de longues années mais le coeur n'y était pas. On pouvait le voir, tous les soirs, marcher sur les rives de la mer des Caraïbes, trainant ça et là son infinie tristesse et bien des maîtresses qui auraient bien aimé lui mettre l'anneau au doigt. Le valeureux soldat devenu Capitaine se contentait malheureusement de rencontres sur le sable blanc jusqu'au jour où il fit la rencontre d'une créolita qui lui offrit un piment en gage de son amour. Ce qu'il accepta en se disant qu'un petit piment ne pouvait certes pas l'obliger à quoi que ce soit. Vous l'aurez compris il se trompait complètement: Le piment rend les hommes fous!
 Il aima donc la petite créolita qui lui rendit bien ses faveurs en lui offrant tous les soirs un petit piment. Il l'aima tant qu'il finit par céder à ses supplications et l'épousa en juste noce. Ce fut une larme à l'oeil que nous le mariâmes à l'église du coin, un banquet fut donné en leur honneur et tout le monde était bien content sinon bien bourrés. La soirée fut longue, les danses endiablées et le rhum bitain aida bien l'humeur ce qui rendit le Capitaine encore plus triste de ne pas avoir à son bras celle dont il rêvait depuis tant d'années.
 La jeune créolita ne perdit pas espoir et continuait d'offrir son piment au Capitaine en espérant qu'un jour, peut-être, il verrait tout ce qu'elle faisait pour lui. Elle en fit tant et tant que le Capitaine devint soudainement malade. On fit venir un médecin, puis un shaman, puis un rabouteux, mais rien n'y fit. Il continuait de se lamenter et d'implorer et de supplier qu'on lui amène sa Lady tandis que la petite créolita dépérissait à vue d'oeil et cherchait ce qui pourrait bien guérir son Capitaine d'un amour perdu depuis des années.
 Un beau matin, un pêcheur vint le voir de toute urgence. Un vaisseau, au large, venait de mettre à l'eau une barque pleine de soldats et de voyageurs tout à fait comme il faut! Le Capitaine, sur ses pieds d'un seul coup d'un seul, se mit en route pour accueillir les nouveaux arrivants avec un tout petit brin d'espoir au coeur: celui de revoir sa Lady. De la rive il vit la barque qui tanguait et affrontait gaillardement les vagues déferlantes qui naissaient soudainement. Au large, le ciel devint noir et on pouvait voir les vagues à plus de cinq mètres de haut! Un cyclone se préparait. La nature se déchainait pour déchirer la fragilité de la vie.
 Effrayée par cette nouvelle, la petite créolita se mit en tête de conjurer ce mauvais sort qui s'acharnait contre elle. Rapidement, elle prépara un sac plein de petits piments et s'en fut sur une barque porter son offrande pour que ces étrangers repartent rapidement. Ne savait-elle pas que la mer prend toujours de force ce qui ne s'inscrit pas dans l'ordre naturel de la vie? Ne voyait-elle pas que tout ce qu'elle venait de vivre n'était qu'une mort par procuration?
 Le Capitaine, sur la rive, observait la scène. Il compris, un peu trop tard, ce qui se tramait. Les vagues devenaient de plus en plus menaçantes, de plus en plus hautes et effrayantes tandis que les deux barques se rencontrèrent. On vit, de loin, la petite créolita offrir ses piments en gesticulant et en hurlant tant bien que mal ses instructions sur leur utilisation tandis que les deux barques commençaient de chavirer théâtralement.
  Le Capitaine saisit alors une petite barque qui trainait sur la rive, y monta et se mit en chasse des deux autres barques. Il va sans dire qu'il n'atteignit jamais le convoi les vagues étant d'une telle furie qu'il ne put même pas avancer de quelques mètres. Il du revenir sur la rive et observer le tout de loin en continuant de se tordre de douleur car son petit piment faisait encore effet. Au loin, le vaisseau qui attendait le signal pour s'éloigner semblait observer la scène d'une voile détachée.
 La furie de la mer fut telle que les deux barques se renversèrent, laissant dans la misère la plus profonde le Capitaine qui n'eut d'autre choix que d'aller s'abriter au plus vite dans une résidence avoisinante. Le cyclone fit rage pendant 5 jours et 5 nuits. L'île fut dévastée, plus rien ne restait debout, plus rien ne vivait, plus rien ne dansait, plus rien ne se baignait au soleil.  On fit le décompte des fatalités et on en trouva des dizaines! Le Capitaine, n'ayant pas de nouvelles de sa petite créolita, ni des voyageurs, repris ses promenades sur les rives de la mer des Caraïbes.
 Le sixième soir, lors de sa promenade habituelle, il découvrit le sac remplis de piments qui gisait là sur la plage de sable blanc et se mit à pleurer. En titubant saoul de tristesse et d'amertume, il continua sa divagation et rencontra le corps presque disséqué de sa petite créolita. Il ne put contenir sa peine et allait se jeter à l'eau quand il entendit comme une lamentation, une plainte, un appel au secour. En se précipitant, il arriva a hauteur d'un corps humain à peine encore remplis d'humanité et découvrit, atterré, que c'était bien là celui de 'sa' Lady! Fou de joie, il la prit dans ses bras, hurla sa douleur enfouie depuis des années et sa tristesse de ne pas l'avoir retrouvé plus tôt. Il l'amena chez lui, en prit soins pendant des semaines jusqu'à ce que la Lady reprit assez de force pour vivre à ses côtés. Le Capitaine ne mangeât plus de piment et se dévoua corps et âme à sa Lady. Ils vécurent heureux, n'eurent pas d'enfants car ils étaient déjà bien trop vieux pour cela. Ils œuvrèrent sur l'île pendant de longues années, faisant commerce de tout ce qu'ils pouvaient trouver, habitant dans une petite demeure modeste mais où il faisait bon se retrouver tous les soirs. Mais par dessus tout, ils aimaient se retrouver à la tombée du soleil sur le sable blanc à savourer chacun des moments que la nature leur offrit.

Morale de l'histoire: il ne faut jamais oublier son premier amour et ne jamais perdre espoir car la vie réunit ceux qui s'aiment, c'est bien connu :-)

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